Résumé de l’éditeur

Tome 1 : La Crue

Pâques 1919, alors que les flots menaçant Perdido submergent cette petite ville du nord de l’Alabama, un clan de riches propriétaires terriens, les Caskey, doivent faire face aux avaries de leurs scieries, à la perte de leur bois et aux incalculables dégâts provoqués par l’implacable crue de la rivière Blackwater.

Menés par Mary-Love, la puissante matriarche aux mille tours, et par Oscar, son fils dévoué, les Caskey s’apprêtent à se relever… mais c’est sans compter l’arrivée, aussi soudaine que mystérieuse, d’une séduisante étrangère, Elinor Dammert, jeune femme au passé trouble, dont le seul dessein semble être de vouloir conquérir sa place parmi les Caskey.

Au-delà des manipulations et des rebondissements, de l’amour et de la haine, Michael McDowell (1950-1999), ­co-créateur des mythiques Beetlejuice et L’Étrange Noël de Monsieur Jack, et auteur d’une trentaine de livres, réussit avec Blackwater à bâtir une saga en six romans aussi ­addictive qu’une série Netflix, baignée d’une atmosphère unique et fascinante digne de Stephen King.

Éditions Monsieur Toussaint Louverture

Fiche technique

Titre Blackwater

Auteur : Michael McDowell

Édition : Monsieur Toussaint Louverture

Âge : À partir de 15 ans

TitrePagesParutionPrix
1La Crue26007.04.20228,40€
2La Digue26022.04.20228,40€
3La Maison24005.05.20228,40€
4La Guerre26019.05.20228,40€
5La Fortune26003.06.20228,40€
6Pluie26017.06.20228,40€

Mon avis

On se retrouve aujourd’hui pour un concept d’article que je ne t’avais pas proposé depuis longtemps : la chronique d’une série complète. Alors, après Prince Captif, Lux, Charley Davidson, Le Gang des Prodiges, Le Clan Bennett et Ivy Wilde… Voici la désormais célèbre saga Blackwater de Michael McDowell, publiée cette année aux éditions Monsieur Toussaint Louverture. En effet, je ne pense pas qu’il soit possible de fréquenter ne serait-ce qu’un peu la bookosphère sans avoir été confronté au moins une fois à Blackwater. Mais est-ce que cette histoire mérite toute la hype qu’elle reçoit ? Je te donne mon avis tout de suite.

Toudum

Inutile de tourner autour du pot, disons le franchement : J’ai adoré cette saga.

Vraiment.

Beaucoup.

Pourtant, je ne suis clairement pas la lectrice cible de ce genre d’histoire : une saga familiale qui traverse les époques, avec ses rivalités et ses secrets. C’est peut-être la promesse du fantastique qui m’a aidée à sauter le pas. Et je dois dire que je n’ai pas été déçue, loin de là. J’ai directement été happée dans les pages de Blackwater, dévorant le T1 en à peine 24 heures. Et les cinq tomes suivants ne se sont pas non plus éternisés entre mes mains, chacun se lisant à une vitesse impressionnante.

Il faut dire que le format de la saga n’y est certainement pas pour rien : six livres plus petits que la taille standard d’un poche, n’excédant pas les 260 pages chacun, ce n’est pas énorme. Mais il n’y a pas que ça. Le résumé de l’éditeur ne ment pas lorsqu’il dit que Blackwater est “aussi addictif qu’une série Netflix”. C’est la stricte vérité. J’ai purement et simplement binge readé la saga, ne pouvant m’empêcher de tourner les pages encore et encore, parce que chaque fin de chapitre (qui sont tous très courts) comporte une révélation, un mot ou une allusion qui fait que l’on ne peut pas faire autre chose que de continuer notre lecture.

Blackwater, ton univers impitoyaaable

Mais au-delà de sa qualité de page-turner, Blackwater a aussi la capacité de nous inclure dans ses pages. Je me suis profondément attachée aux membres de la famille Caskey. Peut-être pas au point de vouloir en faire partie (je ne suis pas suicidaire) mais comme une observatrice légèrement en retrait et absolument fascinée par le fonctionnement atypique de cette famille. Famille qui s’apparente plus à un organisme où chacun aurait sa place et son rôle attitré, une sorte de royaume hiérarchisé en miniature. Un royaume où le vice, les apparences, les jeux de pouvoir, la stratégie et les coups bas sont au centre de tout.

Mais ce qu’il ne faut pas oublier, c’est que c’est une série qui s’étire dans le temps, de 1919 à 1970, ce qui signifie que les choses évoluent : il y a des départs, des arrivées, des naissances et des décès. Au fur et à mesure que le temps passait, j’ai appris à connaître les personnages. J’en ai aimé certains instantanément. Il m’a fallu plus de temps pour d’autres. J’en ai profondément détesté d’autres encore. Et il y en a pour lesquels je ne sais toujours pas trop quoi penser. Mon avis s’est modelé dans le temps, suivant les épreuves que vivaient les personnages et leur façon d’y réagir ou de grandir.

Tout ça pour dire que l’on ne s’ennuie pas, jamais, avec Blackwater.

Modernité Insoupçonnée

Sauf que l’on retrouve tout ça dans beaucoup de sagas familiales. Alors pourquoi celle-ci serait-elle différente des autres ?

Il y a d’abord la partie évidente : celle consacrée au fantastique. Sans vouloir te spoiler, sache que ce n’est pas elle qui prend la majeure place de l’intrigue. Le fantastique est important, bien sûr, mais plutôt parce qu’il contribue à faire ressortir une ambiance angoissante, pleine de suspense, d’évènements inexpliqués et de prophéties. Alors que tout cela n’est pas vraiment concret. C’est plutôt comme une sensation lourde et poisseuse qui nous fait dire qu’il pourrait se passer quelque chose, n’importe quoi, à n’importe quel moment. Et les véritables scènes où le fantastique est présent sont très fugaces, surtout au début de la série – bien que ça s’améliore à la fin. Ce n’est pas un reproche, simplement une constatation qui me fait dire que ceux qui se lancent dans Blackwater uniquement pour sa part de fantastique risquent d’être déçus.

Heureusement, le féminisme constant de la série les aidera peut-être à combler ce manque. Et pour le coup, ce fut une vraie surprise, parce que Blackwater est un véritable lieu où les femmes sont reines. Et c’est quelque chose de tout à fait naturel. Mais cela ne vient pas seulement du fait que les personnages féminins sont plus nombreux que les masculins, c’est un fait établi : la gente féminine régit cette histoire où le matriarcat est en vigueur et n’est pas près de disparaître. Les femmes ont le pouvoir, que ce soit sur la maison ou les affaires. Et c’était très agréable à découvrir, parce qu’incroyablement moderne pour l’époque.

De même que les portraits de certains personnages que nous dépeint Michael McDowell. Des personnages qui dans leur caractère ou leur évolution vont être amenés à se questionner sur leur corps, leur genre ou leur orientation sexuelle. C’était d’autant plus inattendu mais franchement appréciable à découvrir, en particulier dans la façon dont l’auteur aborde ces questions. Mais je te laisse découvrir tout ça par toi même !

Zoom sur chaque tome de la saga

Pour te donner un avis un peu plus individuel, voici de façon la plus courte possible ce que j’ai pensé et ressenti pour chaque tome.

  1. La Crue : Une bonne entrée en matière avec ce premier tome, à la fois assez lent mais en même temps très dynamique (bizarre, je sais). Je me suis laissée porter par cette introduction fascinante et un peu inquiétante, qui nous laisse sur une fin pour le moins inattendue !
  2. La Digue : J’ai préféré cette suite, notamment parce qu’elle s’attarde sur des personnages (en particulier Sister) que l’on voyait peu dans La Crue. J’ai adoré la découvrir et me rendre compte qu’elle était capable de bien plus que ce que les apparences laissaient présager. Un tome plein de manigances et de rebondissements !
  3. La Maison : Probablement le tome le plus creepy de la série, mais qui était si jubilatoire à lire ! J’ai adoré suivre l’évènement principal de ce tome : le voir se profiler, se mettre en place, prendre tout doucement de l’ampleur, jusqu’à arriver à son apogée ! C’est assez sadique de ma part, mais franchement, je me suis régalée !
  4. La Guerre : C’est très certainement l’un de mes tomes préférés de la saga. L’histoire et les personnages prennent une dimension différente, de nouveaux chemins s’ouvrent à eux. On fait de nouvelles rencontres, de nouveaux attachements se créent… Tout cela met un peu de sang neuf dans cette saga qui était loin de s’essouffler mais qui s’est encore plus sublimée avec ses évolutions. La modernité de ce tome (notamment visible grâce à Lucille et Grace) m’a encore plus frappée que dans les tomes précédents. Et la fin m’a, je dois bien l’avouer, un peu brisé le cœur…
  5. La Fortune : Ce fut une lecture que j’ai trouvée un peu en-dessous du T4 mais qui était tout de même très intéressante dans l’évolution des personnages. Entre le revirement de Sister, l’affirmation de Miriam et de Billy, la transformation que vit Frances… Je trouve que les cartes sont vraiment rebattues dans ce tome. Notamment parce que j’ai eu l’impression que la première génération (qui était au premier plan au début de la saga) est beaucoup moins mise en avant pour laisser la place à la deuxième génération – ce qui est normal puisque les premiers vieillissent et que les seconds sont en pleine fleur de l’âge, et donc en émulation d’activité. Mais outre les personnages, la modernité de ce tome m’a encore beaucoup frappée dans ses thématiques et les mots qu’il ose mettre sur les choses – en plus de la dimension fantastique qui prend une part beaucoup plus importante que précédemment dans le récit. Bref, bien que ce ne soit pas le meilleur tome de la saga à mon sens, ça reste une très belle lecture qui laisse présager une conclusion explosive pour le dernier tome ! (Surtout avec cette fin !!)
  6. Pluie : Pour la première fois, je suis ressortie de cette lecture assez mitigée. Et pour cause, je ne sais pas tellement quoi en penser. D’un côté, j’ai eu beaucoup de mal avec la première moitié du roman, notamment parce que je trouvais qu’il tournait en rond en répétant les mêmes choses. Et plus je tournais les pages, moins j’avais envie de continuer à les tourner et de connaître la fin. Est-ce parce que je ne voulais pas dire au revoir à Blackwater ou parce que ce tome n’était pas à la hauteur ? Je ne saurais le dire. Mais d’un autre côté, une fois un certain évènement passé, j’ai retrouvé l’entrain que j’avais pu ressentir pour les tomes précédents. Si la fin n’a finalement pas été une grosse surprise, de nombreux éléments de ce T6 ont su m’étonner (et pas qu’un peu), comme par exemple la forte présence de la part surnaturelle de l’histoire. Enfin voilà : si ce dernier tome n’a peut-être pas su répondre à toutes mes attentes il n’en reste pas moins une bonne fin.

En bref

En bref, la saga Blackwater de Michael McDowell fut une excellente découverte qui va marquer mon année 2022. Cette histoire familiale pleine de surprises est un véritable page-turner où les jeux de pouvoir et les questions de stratégie sont légion, mais qui s’attache aussi à nous présenter une famille dans son entièreté, avec son histoire, ses liens et ses fêlures. Si le fantastique n’est pas aussi présent que ce que l’on aurait pu espérer, ce point est rattrapé par l’incroyable modernité du récit où les femmes règnent en maîtresses et où l’inclusion n’est pas qu’une utopie.

Ma note

Les 6 citations

Oscar savait que Mary-Love et Elinor avaient la capacité de le manipuler. Elles obtenaient ce qu’elles voulaient. En réalité, chaque femme recensée à Perdido obtenait ce qu’elle voulait. Bien entendu, aucun homme n’aurait admis être aiguillé par sa mère, sa sœur, son épouse, sa fille, sa cuisinière, ou par aucune femme qu’il croisait au hasard des rues – la plupart, d’ailleurs, n’en avaient même pas conscience. Oscar, si. Mais bien qu’il ait conscience de sa soumission, de sa véritable impuissance, il était incapable de se libérer des chaînes qui l’entravaient.

Michael McDowell, Blackwater – T1 : La Crue

Le principal défaut d’Ivey – du moins aux yeux de Mary-Love – était une forme larvaire de superstition qui lui faisait voir des démons dans chaque arbre, des augures dans chaque nuage et des significations néfastes dans chaque incident du quotidien. Ivey Sapp dormait avec des grigris, et des choses pendaient à une chaîne autour de son cou. Elle ne commençait jamais la récolte de canne à sucre un vendredi et s’enfuyait en courant de la maison si on y ouvrait un parapluie, refusant d’y remettre les pieds de toute la journée. Elle ne sortait jamais les cendres après quinze heures, au risque qu’un décès survienne dans la famille. Elle ne passait pas le balai la nuit de crainte de balayer la chance par la porte. Elle ne faisait aucune lessive le jour du Nouvel An, car alors il lui faudrait nettoyer un cadavre dans l’année.

Michael McDowell, Blackwater – T2 : La Digue

Comme à son habitude, la chambre était sombre et fraiche. L’air paraissait stagner. Ça sentait le vieux – plus que dans aucune autre maison de Perdido. Pour la petite fille, ça sentait comme si des générations entières de Caskey étaient mortes là-dedans. Comme si, décennie après décennie, des femmes Caskey avaient accouché d’enfants mort-nés dans ce lit ; qu’une lignée ininterrompue de maris Caskey avaient assassiné leurs épouses adultères et les avaient cachées dans l’armoire ; comme si cent squelettes à la chair en putréfaction et aux haillons moisis avaient été entassés dans la petite penderie et s’entrechoquaient, parmi les plumes et les fourrures.

Michael McDowell, Blackwater – T3 : La Maison

Non seulement les femmes Caskey étaient en supériorité numérique, mais en plus elles dirigeaient le clan. Billy n’avait jamais rien vu de tel. C’est précisément ce qui le fascinait. Il adorait leur compagnie et avait rapidement appris à tous les aimer. Il goûtait avec la même joie les commérages détaillés de Queenie, les remarques acerbes de Miriam, la timidité de Frances, les taquineries viriles de Grace, la fausse pudeur de Lucille et les déclarations autoritaires d’Elinor. Même les domestiques paraissaient affectées du même pouvoir irrésistible que leurs maîtresses. Zaddie, Ivey, Roxie et Luvadia faisaient et disaient ce que bon leur chantait. Par contraste, Oscar semblait presque exploité, et sans doute aurait-il paru totalement impuissant s’il n’avait pas dirigé, du moins en apparence, la scierie. James avait depuis longtemps renoncé à ses droits, jusqu’à devenir lui-même une sorte de femme. Danjo était certes un garçon fort et viril, mais il avait été élevé dans la croyance que le vrai pouvoir et le vrai prestige reposaient sur les femmes, et non les hommes. Avant d’arriver à Eglin, Billy n’aurait jamais cru qu’une telle famille puisse exister. À présent, il ne voulait plus la quitter.

Michael McDowell, Blackwater – T4 : La Guerre

Après la naissance de leur fille, Billy nota un changement radical chez son épouse. En une seule nuit – quelques heures durant lesquelles il avait été chassé de la maison –, elle paraissait soudainement avoir mûri et hérité de l’autorité et de l’autonomie des femmes Caskey. Elle n’était ni agressive ni exigeante ; ce n’était pas du tout sa nature. Mais elle savait désormais ce qu’elle voulait et n’hésitait plus à le dire. Alors qu’elle avait auparavant accepté toute opinion ou volonté qui ne fût pas la sienne, voilà qu’elle considérait ses désirs comme équivalents à ceux de n’importe qui. Elle n’était plus aussi dépendante qu’auparavant.

Michael McDowell, Blackwater – T5 : La Fortune

Les choses ne s’étaient pas déroulées comme prévu, loin de là, pourtant il était raisonnablement heureux. Il craignait de se leurrer, de garder intentionnellement les yeux fermés pour clamer haut et fort que les barreaux de sa prison n’existaient pas. Peut-être existaient-ils bel et bien : c’était la maison, c’était Elinor, c’était le verger de pacaniers de l’autre côté de la route, c’était la digue et la rivière qui coulait derrière, Miriam et ses incessantes requêtes au téléphone d’un côté, et la forêt de pins sombres de l’autre. Mais si ces barreaux existaient bel et bien, il ne les voyait pas. Sincèrement, il ne se sentait pas prisonnier ; et si c’était le cas, il faut croire que l’emprisonnement lui procurait un certain plaisir.

Michael McDowell, Blackwater – T6 : Pluie

Le mot de la fin

C’est la fin de cet article sur la formidable saga Blackwater ! J’espère qu’il ne fut pas trop long et t’aura permis d’en savoir plus sur l’histoire qui a fait s’agiter toute la bookosphère !

Tu as lu Blackwater de Michael McDowell ? Qu’en as-tu pensé ? Est-ce que la saga te tente ?

À bientôt pour un nouvel article !

Amandine Stuart

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