Résumé de l’éditeur
“J’ai retrouvé ce journal dans deux cahiers des armoires bleues de Neauphle-le-Château.
Je n’ai aucun souvenir de l’avoir écrit.
Je sais que je l’ai fait, que c’est moi qui l’ai écrit, je reconnais mon écriture et le détail de ce que je raconte, je revois l’endroit, la gare d’Orsay, les trajets, mais je ne me vois pas écrivant ce Journal. Quand l’aurais-je écrit, en quelle année, à quelles heures du jour, dans quelles maisons ? Je ne sais plus rien. […]
Comment ai-je pu écrire cette chose que je ne sais pas encore nommer et qui m’épouvante quand je la relis. Comment ai-je pu de même abandonner ce texte pendant des années dans cette maison de campagne régulièrement inondée en hiver.
La douleur est une des choses les plus importantes de ma vie. Le mot “écrit” ne conviendrait pas. Je me suis trouvée devant des pages régulièrement pleines d’une petite écriture extraordinairement régulière et calme. Je me suis trouvée devant un désordre phénoménal de la pensée et du sentiment auquel je n’ai pas osé toucher et au regard de quoi la littérature m’a fait honte.”
Marguerite Duras.
Fiche technique
Titre : La Douleur
Autrice : Marguerite Duras
Édition : Folio (n°2469)
Genre : Non-fiction – Mémoires et autobiographies
Nombre de pages : 224
Date de parution : 14.04.1993
Âge : À partir de 15 ans
Prix : 7.50€
Mon avis
Je me suis penché sur La Douleur de Marguerite Duras après avoir vu une vidéo de Marine Stouppou, dans l’idée de poursuivre mon objectif de lire un classique par mois fixé en début d’année.
Malheureusement, je ressors de cette lecture avec un sentiment mitigé.
Hallucination
En effet, j’ai été totalement hypnotisée par la première partie du roman (qui est consacrée à La Douleur en elle-même). Celle-ci retrace l’attente. L’attente qu’a vécu Marguerite Duras à la fin de la deuxième guerre mondiale, au moment de la Libération, alors qu’elle se demandait si son mari, Robert Anthelme, allait revenir des camps. Et si oui, le retrouverait-elle vivant, ou bien mort ? On dérive entre ces pages comme dans un rêve, une hallucination où les choses sont loin de toujours avoir un sens. Mais parfois, ces choses sont aussi douloureusement brutes de vérité. La Douleur est un journal, des mémoires où l’on voit défiler les jours au fur et à mesure que Marguerite Duras dépérit en même temps que son espoir de voir Robert revenir. Cette lecture m’a plongée dans un état où j’avais constamment envie de pleurer et où je ressentais une profonde tristesse mêlée de nostalgie. C’était une sensation très bizarre et inconfortable, mais qui signifiait aussi que La Douleur avait réussi à m’attraper à la gorge, ce que je ne peux que saluer.
Cette première partie était donc assez géniale, avec son écriture hachée, écorchée, fuyante et crue dont le sens nous échappe parfois mais dont les émotions transpirent littéralement.
Désenchantement
Mais alors, d’où vient le sentiment mitigé que j’évoquais au début de cette chronique ?
Eh bien, de la seconde partie. Celle-ci est composée de quatre ou cinq nouvelles (toujours de la non-fiction) qui se déroulent également au moment de la Libération, et en particulier dans le milieu de la Résistance – dont Marguerite Duras était une figure importante. Et c’est là que le désenchantement a eu lieu. Je ne m’étalerais pas dessus, parce que ça n’aurait pas vraiment d’intérêt, mais pour résumer : C’était très long. Je n’arrivais pas à m’attacher ou à m’impliquer dans ces histoires, qui ont finalement altéré dans mon esprit tout ce que j’avais pu ressentir pour la première partie de La Douleur, ce qui est fort dommage.
En bref
En bref, La Douleur de Marguerite Duras fut une lecture mitigée dont la première partie m’a beaucoup touchée et marquée par la brutalité qu’elle dégage dans les émotions. J’ai toutefois regretté que la deuxième partie de l’œuvre constitue un tel désenchantement : Les quelques nouvelles qu’elle renferme ne sont pas parvenues à me toucher ou à faire en sorte que je m’implique dans ses histoires. Je ne suis pas parvenue à y voir un intérêt particulier, ce qui a finalement altéré le bon souvenir que j’avais de la première partie. Dommage !
Ma note
La citation
Les gens sont dans les rues comme à l’ordinaire, il y a des queues devant les magasins, il y a déjà quelques cerises, c’est pourquoi les femmes attendent. J’achète un journal. Les Russes se trouvent à Strausberg, peut-être même plus loin, aux abords de Berlin. Les femmes qui font la queue pour les cerises attendent la chute de Berlin. Je l’attends. “Ils vont comprendre, ils vont voir ce qu’ils vont voir”, disent les gens. Le monde entier l’attend. Tous les gouvernements du monde sont d’accord. Le cœur de l’Allemagne, disent les journaux, quand il aura cessé de battre, ce sera tout à fait fini. De quatre-vingts mètres en quatre-vingts mètres Joukov a posté des canons qui, à soixante kilomètres autour de Berlin pilonnent le centre. Berlin flambe. Elle sera brûlée jusqu’à la racine. Entre ses ruines, le sang allemand coulera. Quelquefois on croit sentir l’odeur de ce sang. Le voir.
Marguerite Duras, La Douleur
Le mot de la fin
Je ne regrette pas d’avoir fait connaissance avec l’œuvre de Marguerite Duras. C’est une autrice majeure que je souhaitais découvrir depuis longtemps… Et dont je pense même poursuivre l’exploration dans les mois ou années qui viennent, probablement avec L’Amant, qui a reçu le Prix Goncourt en 1984.
Tu connais la vie et l’œuvre de Marguerite Duras ? Lequel de ses livres en particulier me recommanderais-tu ?
À bientôt pour un nouvel article !
Amandine Stuart
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