Résumé des Enfants Endormis
“Mon oncle était mort quelques années après ma naissance. J’avais découvert des images de lui dans une boîte à chaussures où mes parents gardaient des photos et des bobines de films en super-8. On y voyait des morts encore vivants, des chiens, des vieux encore jeunes, des vacances à la mer ou à la montagne, encore des chiens, toujours des chiens, et des réunions de famille.”
Quarante ans après la mort de son oncle Désiré, Anthony Passeron décide d’interroger le passé familial. Évoquant l’ascension sociale de ses grands-parents devenus bouchers pendant les Trente Glorieuses, puis le fossé qui grandit entre eux et la génération de leurs enfants, il croise deux récits : celui de l’apparition du sida dans une famille de l’arrière-pays niçois – la sienne – et celui de la lutte contre la maladie dans les hôpitaux français et américains.
Dans ce roman de filiation, mêlant enquête sociologique et histoire intime, il évoque la solitude des familles à une époque où la méconnaissance du virus était totale, le déni écrasant, et la condition du malade celle d’un paria.
Fiche technique
Titre : Les Enfants Endormis
Auteur : Anthony Passeron
Éditeur d’origine : Globe
Nombre de pages : 288
Date de parution : 25.08.2022
Âge : À partir de 14 ans
Formats & Prix : Grand Format : 20.00€ • Poche : 8.40€ • Ebook : 15.99€ • Audio : 19.95€ (ou un crédit)
Mon format de lecture : J’ai découvert ce livre dans sa version audio, lue par Loïc Corbery, dans le cadre du Prix Audiolib 2024.
Écouter un extrait :
Mon avis sur Les Enfants Endormis
Après La Louisiane de Julia Malye, j’ai poursuivi ma découverte de la sélection du Prix Audiolib 2024 avec Les Enfants Endormis d’Anthony Passeron – un livre dont je n’endentais que d’excellents retours depuis sa parution.
Et il s’avère que, comme beaucoup, j’ai été totalement séduite par cette lecture… au point de frôler le coup de cœur !
J’ai du mal à catégoriser ce livre, qui n’est pas tout à fait un roman mais qui ne coche pas non plus toutes les cases de la non-fiction… Mais ce n’est pas le plus important.
Un récit intime et scientifique
Si tu n’as pas encore entendu parler des Enfants Endormis d’Anthony Passeron, voilà ce que tu dois savoir :
Nous évoluons dans une alternance de chapitres très courts dans lesquels nous suivons d’un côté la réalité d’une famille confrontée au VIH par l’intermédiaire de Désiré (l’oncle de notre narrateur, qui n’était qu’un enfant durant les années qu’il nous relate dans le récit), et d’un autre côté des chapitres consacrés à l’histoire scientifique du virus : comment il est né, qui l’a découvert, les batailles qu’il a fallu mener pour qu’il soit pris au sérieux par la communauté médicale, les guerres internes, ses évolutions et surtout les étapes de la recherche pour créer un moyen de le vaincre.
J’ai adoré ce double regard avec la partie purement factuelle et scientifique qui se confrontait aux réalités intimes face à la maladie dans cette famille de bouchers d’un petit village isolé du sud de la France. Une famille à la condition sociale élevée, pour qui il était impensable de voir l’aîné de ses fils (celui en qui ils avaient placé tous leurs espoirs) devenir héroïnomane et contracter le “cancer gay” (l’un des premiers noms donné au SIDA) à cause d’une seringue passée de mains en mains. Des années après, tous les membres de cette famille ont donc enterré cette histoire dans une forme de déni et de tabou qu’il serait mal venu de venir secouer.
Un sans-faute pour Les Enfants Endormis
Tout sonne juste dans ce récit. Que ce soit les bouleversements humains provoqués par la maladie, l’incompréhension de tous, le sentiment d’être démuni et abandonné face à un mal que l’on ne comprend pas et qui fait peur – mais aussi tout le portrait sociologique que l’auteur dresse de cette société des années 80 qui refusera de voir les choses en face et continuera de stigmatiser les malades et leurs familles pendant des années, en les traitant ni plus ni moins que comme des pestiférés.
Cette lecture m’a beaucoup appris, que ce soit scientifiquement parlant ou d’un point de vue plus général – en tant que femme née en 99 je n’avais pas conscience de toutes les réalités qu’impliquait le SIDA à l’époque. Sincèrement, Les Enfants Endormis me semble être un récit d’utilité publique, qui est aujourd’hui l’une des pièces maîtresses de ma bibliothèque.
Et outre la qualité du traitement du sujet, le récit est aussi porté par une plume qui ne gâche rien. Anthony Passeron touche juste dans un style littéraire qui sait capturer les nuances et les contradictions sans faire dans le lyrique. Il nous emporte dans ce récit sensible qui prend corps grâce à la voix de Loïc Corbery, le narrateur de la version audio à la voix assez lente et basse, qui ne s’impose pas mais semble bien nous confier cette histoire intime au creux de l’oreille.
En bref
En bref, j’ai frôlé le coup de cœur pour Les Enfants Endormis d’Anthony Passeron : un récit d’utilité publique qui est aujourd’hui l’une des pièces maîtresses de ma bibliothèque. En confrontant la vision scientifique à la réalité intime face au SIDA dans les années 80, l’auteur dresse un portrait complet et nuancé d’une société mal à l’aise et aveuglée. Avec ce portrait de famille tout en sensibilité, l’auteur fait entrer la petite histoire dans la grande – et nous offre par la même occasion un récit qui restera dans les annales. Franchement, je ne serais pas étonnée qu’on l’étudie en classe dans quelques années, et ça serait mérité. À lire absolument !
Ma note
La citation des Enfants Endormis
Au sein même de services consacrés aux malades qui en étaient atteints, le sida demeurait une maladie tout à fait singulière. Emprisonnée dans la vision morale qu’on avait d’elle, cernée par les notions de bien et de mal, accolée à l’idée de péché. Le péché intime d’avoir voulu vivre une sexualité libre, eu des relations homosexuelles, de s’être s’injecté de l’héroïne en intraveineuse, d’avoir caché sa séropositivité à ses partenaires, à ses camarades de seringue, d’avoir voulu satisfaire son désir d’enfant quand on se savait pourtant condamnée. Des malades étaient plus coupables que d’autres.
Anthony Passeron, Les Enfants Endormis
Le mot de la fin
C’est la fin de cette quatrième chronique consacrée à l’un des romans de la sélection du Prix Audiolib 2024 ! Si tu n’as pas encore eu l’occasion de les croiser, voici les trois précédents avis que j’ai déjà publiés :
Et j’en profite aussi pour te faire une petite recommandation série avec It’s a Sin, qui met en scène la vie de trois jeunes homosexuels des années 80 qui, à 18 ans, partent vivre à Londres, pleins d’espoir et d’ambition. Mais ils vont rapidement être confrontés au SIDA, fléau jusqu’alors inconnu qui, années après années, va radicalement transformer leur vie.
Je n’ai vu que les deux premiers épisodes pour l’instant (sur les cinq disponibles en replay sur France 2), mais je peux déjà te dire que tout ça est assez prometteur !
Avant de partir, viens me dire en commentaires si tu avais déjà lu ou entendu parler des Enfants Endormis d’Anthony Passeron !
À bientôt pour un nouvel article !
Amandine Stuart
0 commentaire