Des rêves dans la marge

Des lectures variées et des avis sincères

Victor Pouchet, Autoportrait en chevreuil

Résumé de l’éditeur

Avril s’inquiète pour Elias. Elle l’aime, mais il est si secret, si étrange parfois. Craintif, aussi. Elle voudrait comprendre ce qui le tourmente, ce qui l’empêche de vivre pleinement.

Mais comment Elias pourrait-il lui confier ce qu’a été son enfance ? Pas facile, dans un petit village, d’être le fils du « fou ». De celui qui se dit magnétiseur, médium ou même paradoxologue et qui fait subir à sa famille la tyrannie de ses discours et de ses délires.

L’amour d’Avril suffira-t-il pour qu’Elias échappe à cette enfance abîmée ?

Finitude

Fiche technique

Titre Autoportrait en chevreuil

Auteur : Victor Pouchet

Édition – Collection : Finitude – Roman

Nombre de page : 176

Date de parution : 2020

Âge : À partir de 15 ans

Prix : 16.50€

Récompense : Prix Blù Jean-Marc Roberts

Remarque : J’ai lu ce livre dans le cadre de mon rôle de jurée du Prix du Roman des étudiants, dont Autoportrait en chevreuil fait partie de la sélection 2020.

Mon avis

Après la bonne surprise qu’a été Chavirer et le non-emballement que m’a provoqué Histoire du fils, j’ai décidé de me tourner vers le résumé qui me tentait le plus, et sans aucun doute le titre le plus atypique, de cette sélection.

En général

La première chose que je souhaite te partager, c’est que j’ai été assez surprise et déstabilisée par l’articulation du roman. Je ne sais pas ce que tu as pensé en découvrant le résumé, mais moi je m’attendais à lire l’histoire d’Avril, qui rencontre Elias, un garçon un peu bizarre à l’enfance tourmentée qu’elle cherche à aider. En réalité, nous allons être aux côtés d’Elias qui va nous raconter son enfance de son point de vue d’adulte, avec, de temps en temps, quelques petits apartés sur son présent avec Avril. Et ça durant les premiers deux tiers du récit : la partie 1. Ce n’est qu’après, durant la deuxième partie, que nous allons lire le journal intime d’Avril, qui se penche sur ce que je m’attendais à lire au premier abord.

Tout ça pour dire que… le résumé est peut-être mal construit ? À moins que ce ne soit volontaire, de la part de l’auteur et de l’éditeur, d’ « induire » le lecteur en erreur ? À moins, et c’est bien possible, qu’il n’y ait que moi qui ai vécue cela comme une surprise ? Et toi, quel fut ton sentiment ?

Enfin, après ce petit désappointement strictement formel, je n’ai eu aucun mal a me pencher avec intérêt sur l’histoire d’Elias et de son enfance. Au fond, j’ai eu l’impression qu’Elias était la passerelle qui nous amenait à un autre personnage, trois fort, le deuxième personnage principal de cette histoire : son père. Ce père fondamentalement paradoxal, qui, même au travers des pages, arrive à nous faire ressortir son charisme, mais aussi et surtout, sa bizarrerie. Je serai bien incapable de te l’expliquer précisément, mais en gros, cet homme est convaincu de l’existence d’ondes qui nous constitues, nous et le monde. Il serait alors en moyen de voir et de comprendre ce qui s’apparenterait aux âmes. Et je ne te parle ici que d’une petite partie des « aptitudes » du père d’Elias, ces dernières oscillants toujours entre magie, chamanisme et sciences alternatives. Pour être très honnête avec toi, je n’ai pas vraiment compris les explications qui nous étaient délivrées à ce sujet, certainement parce que c’est beaucoup trop abstrait pour moi.

Et en même temps, j’ai eu la très nette impression que Victor Pouchet ne souhaitait pas vraiment que l’on y comprenne quoi que ce soit. Cette manière de nous maintenir dans le flou était, à mon sens, volontaire puisqu’elle nous permettait aussi de vivre cette enfance aux côtés d’Elias, aussi perdus que lui.

Parce que tu dois bien te douter que ce roman ne relate pas des souvenirs épanouis et heureux. Non.

C’est assez difficile pour moi de ne pas apporter de jugement sur ce père pour le moins atypique, que l’on pourrait dire « déséquilibré » ou « malade », mais qui n’est absolument pas monstrueux. Parce que je suis quelqu’un d’ouvert d’esprit qui considère que les gens peuvent vivre leur vie comme ils l’entendent, du moment que ce n’est préjudiciable pour personne. Et c’est justement là que ça coince vraiment pour moi. Parce que cette vie que ce père a imposée à Elias et à ses proches à eut des conséquences.

Ici, on parle de sévices morales et physiques qui n’ont, j’en suis certaine, jamais été « intentionnels » de la part de celui qui les prodiguait. Le père d’Elias ne voyait pas le mal qu’il faisait, parce qu’il aimait réellement son fils. Ça n’attenu en rien ses actes, ça les rend peut-être même pire et nous assurément plus amères.

Je pense que je vais m’arrêter là, bien que j’aurais encore des choses à en dire, mais j’ai peur de t’en dire trop et de te spoiler.

En bref

En bref, sache qu’Autoportrait en chevreuil de Victor Pouchet est une bonne lecture qui, malgré ce que je t’en ai déjà dit, réserve d’autres surprises qui sauront te marquer en même temps que toutes les dualités de cette histoire, entre violence induite et douceur quasi-naïve. Au fond, je pense qu’il faut entrer dans cette histoire sans préjugés ou attentes particulières et que c’est comme ça que tu seras en mesure de te prendre en pleine face cette histoire sur les conséquences de la vie des parents sur leurs enfants.

Ma note

Les 5 citations

Avant de commencer un nouveau livre qui m’intéresse j’aime aller checker quelques citations pour voir si le style d’écriture me plait. Voici donc cinq citations (toujours garanties 100% sans spoilers, évidemment !). Libre à toi de les lire ou pas, suivant si tu aimes bien savoir dans quoi tu t’engages ou si tu veux garder le total plaisir de la surprise.

Il y a des larmes pour tout. Peut-être qu’il faudrait faire sa propre histoire des larmes : histoire des larmes qu’on a versées, histoire des larmes qu’on a vu verser, histoire des larmes qu’on a empêchées, qu’on a essuyées, histoire des larmes qu’on a pas réussi à verser au bon moment, des larmes retenues, histoire des larmes qui nous ont fait pleurer et des larmes qui nous ont fait rire, histoire des larmes pour de faux et histoire des larmes décevantes, histoire des larmes-surprises et des larmes mécaniques, des larmes à plusieurs et des larmes solitaires, des larmes cinématographiques et des larmes sauvages. Histoire des larmes légères quand on vous prend la main au moment où on ne l’attendait pas et des larmes au fond de la gorge quand toute la haine de soi et l’incompréhension remontent d’un coup et qu’on a envie de tout briser mais qu’on a la force de rien. Voilà, il faudrait faire un grand choix montage de toutes les scènes de larmes de grand défilé sanglots, un long travelling sur notre rivière de larmes, et hop, ça serait réglé, on saurait à quoi s’en tenir, on pourrait se repasser le film.

VICTOR POUCHET, AUTOPORTRAIT EN CHEVREUIL

J’imaginais que je récoltais des mots, que tous ces mots formaient des phrases, et dans ma tête toutes ces phrases formeraient non pas des lignes mais des volumes, des murs de phrases, des cabanes de phrases, des cheminées de phrases où faire des feux pâles dès l’automne, des feux de phrases en bois qui crépitent fort. Et aujourd’hui encore, je reviens souvent dans cette cabane de phrases. Si elle tient bien contre le vent, et si les bûches de phrases brûlent comme il faut, on peut s’y réfugier dans l’hiver quand plus aucun mot ne nous vient et que la forêt nous semble si grande.

VICTOR POUCHET, AUTOPORTRAIT EN CHEVREUIL

C’est peut-être ce qu’on appelle une vision du monde : précisément ce qu’on ne voit jamais. Les angles morts. On voudrait en changer mais peut-on modifier son nerf optique ?

VICTOR POUCHET, AUTOPORTRAIT EN CHEVREUIL

J’ai la sensation que la vie progresse comme une série de parenthèses, des parenthèses pas refermées, encastrées les unes les autres, parenthèses de parenthèses, décevant toute syntaxe acceptable. À l’échelle d’un homme, l’histoire ne bégaye pas, elle déraille, intervertit les syllabes, elle fourche à chaque mot et on n’apprend presque jamais de ses erreurs de prononciation.

VICTOR POUCHET, AUTOPORTRAIT EN CHEVREUIL

À cause de l’adjectif, le « Petit » Jésus me semblait un personnage sympathique, une sorte de petit super-héros qui habitait le ciel et parlait bizarrement.

VICTOR POUCHET, AUTOPORTRAIT EN CHEVREUIL

Et toi, tu as lu Autoportrait en chevreuil de Victor Pouchet ? Qu’en as-tu pensé ?

Amandine Stuart

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