Des rêves dans la marge

Des lectures variées et des avis sincères

Becky Chambers, Les Voyageurs – T1 : L’Espace d’un An

Résumé de l’éditeur

Tome 1 : L’Espace d’un An

Premier volume des “Voyageurs”, série lauréate du prestigieux prix Hugo, L’Espace d’un An signe les débuts de Becky Chambers, dont la plume et les récits ont bouleversé la science-fiction.

Rosemary, jeune humaine inexpérimentée, fuit sa famille de richissimes escrocs. Elle est engagée comme greffière à bord du Voyageur, un vaisseau qui creuse des tunnels dans l’espace, où elle apprend à vivre et à travailler avec des représentants de différentes espèces de la galaxie : des reptiles, des amphibiens et, plus étranges encore, d’autres humains. La pilote, couverte d’écailles et de plumes multicolores, a choisi de se couper de ses semblables ; le médecin et cuistot occupe ses six mains à réconforter les gens pour oublier la tragédie qui a condamné son espèce à mort ; le capitaine humain, pacifiste, aime une alien dont le vaisseau approvisionne les militaires en zone de combat ; l’IA du bord hésite à se transférer dans un corps de chair et de sang…

Les tribulations du Voyageur, parti pour un trajet d’un an jusqu’à une planète lointaine, composent la tapisserie chaleureuse d’une famille unie par des liens plus fondamentaux que le sang ou les lois : l’amour sous toutes ses formes.

“Un tour de force humain d’une profonde douceur, qui s’attaque aux questions de genre et de politique sans se départir de son délicieux optimisme.” The Guardian

Éditions L’Atalante

Fiche technique

Titre Les Voyageurs – T1 : L’Espace d’un An

Autrice : Becky Chambers

Édition – Collection : L’Atalante – La Dentelle du Cygne

Nombre de pages : 448

Date de parution : 12.06.2022

Âge : À partir de 16 ans

Prix : 24.50€

Récompenses : Ignotus Awards 2019 – Prix Julia Verlanger 2017 – Prix Hugo 2019 (meilleure série littéraire)

Remarque : J’ai lu ce livre dans le cadre de l’édition 2023 du Challenge Le Mois de la Fantasy.

Mon avis

Après le joli coup de cœur que j’ai eu pour Un Psaume pour les recyclés sauvages de Becky Chambers, j’ai voulu découvrir d’autres écrits de l’autrice. Mon dévolu s’est donc porté sur L’Espace d’un An, le premier tome de sa série Les Voyageurs que j’avais glissé dans ma PAL pour le Mois de la Fantasy (grâce aux chaudes recommandations d’Alex Bouquine en Prada qui a eu un coup de foudre pour cette saga).

Mais force est de constater que ça n’a pas été une aussi grande réussite que ce que j’espérais.

Attention, ce fut loin d’être une mauvaise lecture – elle était même bonne ! Ce n’était simplement pas exceptionnel en ce qui me concerne.

Vers infini et au-delà

Alors, pourquoi ce manque d’enthousiasme ?

En toute franchise, je ne sais pas vraiment. Et c’est certainement ce qui m’embête le plus : Pendant une grande partie de ma lecture j’ai eu ce sentiment de flottement où j’étais incapable de dire si, oui ou non, j’aimais l’histoire que j’étais en train de découvrir. Et c’était frustrant. Je me suis sentie extrêmement spectatrice devant ce roman, et même si je reconnaissais volontiers que ce qui se jouait devant moi avait de l’intérêt, je ne parvenais pas à être impliquée auprès des personnages et de leurs histoires. J’ai attendu très longtemps le déclic qui me ferait entrer corps et âme dans L’Espace d’un An, mais il n’a jamais vraiment pointé le bout de son nez – hormis peut-être lors des dernières dizaines de pages.

Pourtant, je tiens vraiment à le préciser : Ce récit est important. L’univers est fouillis et complexe, avec beaucoup de nouveau vocabulaire dont on doit deviner la signification. Mais l’essentiel de ce livre, ce qui fait qu’il est primordial, se trouve surtout dans les messages qu’il délivre. Je m’explique tout de suite.

Déjà, il faut savoir que c’est de la SF, mais une SF très douce. Ne va surtout pas t’attendre, en ouvrant L’Espace d’un An, à trouver un roman à enjeux – parce qu’on ne pourrait pas en être plus éloigné. On rencontre Rosemary, jeune humaine qui (on le sent bien) cherche à fuir sa vie sur Mars et qui va, pour cela, embarquer sur Le Voyageur, un vaisseau spatial qui a pour mission de percer des tunnels dans l’espace de façon à faciliter et accélérer les déplacements. Elle intègre donc son équipage de huit individus très éclectiques et diversifiés, et c’est simplement leurs vies que nous suivons (leurs repas, leurs discussions, leurs interrogations, leurs escales, etc.).

Gardiens de la Galaxie

Alors, si la force de ce roman ne se trouve pas dans son action… Où est-elle ? Eh bien, dans ses personnages. Tous les membres de cet équipage viennent de planètes différentes, d’espèces et de coutumes différentes. Personne ne ressemble à personne. Certains ont des tentacules, d’autres des poils ou des plumes. Mais tous comprennent l’importance de l’inclusion, la force de la diversité même si elle demande de s’adapter. L’Espace d’un An est un ouvrage éminemment bienveillant où Becky Chambers a eu l’intelligence de placer des personnages humains au milieu de ce qu’on a l’habitude de qualifier d’aliens ou d’extraterrestres pour interroger notre propre humanité en regard de cultures fondamentalement différentes de la nôtre. Et c’était très bien fait.

L’autrice s’interroge (et nous interroge) sur des sujets très divers, mais avec toujours beaucoup d’intelligence, de bienveillance et sans jugement. Elle est parvenue à me faire revoir mes convictions à propos de choses qu’il ne m’était jamais venu à l’idée de remettre en question. Et ça m’a un peu bousculé, même si mon avis n’a pas toujours évolué (l’important se trouve dans le fait d’avoir réfléchi). Dans ce sens, j’ai donc retrouvé beaucoup d’aspects qui m’avaient charmée dans Un Psaume pour les recyclés sauvages. Voici un petit exemple avec un passage qui m’a beaucoup marquée :

Honnêtement, qu’y avait-il là-dedans de si compliqué ? Elle ne se ferait jamais, jamais, à l’idée qu’un enfant – pire : qu’un bébé – soit plus précieux qu’un adulte qui avait déjà acquis toutes les compétences nécessaires à la communauté. La mort d’un petit était chose courante, et l’on s’y attendait. La mort d’un enfant presqu’aux plumes, oui, c’était triste. Mais la vraie tragédie, c’était la mort d’un adulte qui avait des amis, des amants, une famille. L’idée que perdre un potentiel soit pire que la perte d’une réalité et de connaissances, Sissix ne s’y ferait jamais.

Becky Chambers, Les Voyageurs – T1 : L’Espace d’un An

Je pense que l’on s’accordera pour dire que ça donne matière à réfléchir.

Débarquement

Tout ça pour dire que, même si je n’ai pas été autant embarquée par cette histoire que ce que j’avais espéré, je reconnais sans problème ses immenses qualités et que je comprends très bien pourquoi L’Espace d’un An a été récompensé.

Maintenant, j’ai appris en lisant le résumé du T2 que la suite nous fait suivre des personnages tout autres (que l’on a très rapidement croisés dans le premier opus) sans que l’on retrouve l’équipage du Voyageur. Je considère donc que L’Espace d’un An peut être lu comme un tome unique, et je ne pense donc pas me presser pour lire la suite. Peut-être dans quelques mois, si l’envie de retrouver l’univers et l’autrice revient… Ou peut-être pas – et ça ne sera pas grave si c’est le cas.

En bref

En bref, L’Espace d’un An, le premier tome de la série Les Voyageurs de Becky Chambers fut une bonne lecture – bien qu’elle ne fût pas aussi exceptionnelle que ce que j’avais espéré. Mon sentiment mitigé tient surtout dans le fait que je me suis plus sentie spectatrice de cette histoire, sans jamais y être vraiment impliquée. Mais il n’empêche que je salue bien bas le talent et l’intelligence de l’autrice qui est parvenue à écrire un texte fondamentalement bienveillant, qui crie l’importance de l’inclusion et la force de la diversité, même si elle demande de s’adapter. Ce roman nous pousse à réfléchir sur des sujets extrêmement divers (certains anecdotiques, d’autres plus dérangeants) qui ont tous pour finalité d’interroger notre propre humanité en regard de cultures fondamentalement différentes de la nôtre. Et c’était très bien fait. Rien que pour ça, c’est un roman à découvrir.

Ma note

La citation

Il se pencha vers elle. “Ton père, l’homme qui t’a élevée, qui t’a appris le monde, a commis des crimes ignobles. Non content de les commettre, il les justifiait à ses propres yeux. Quand tu as découvert la vérité, l’as-tu crue ?

– Non.

– Pourquoi ?

– Je ne le pensais pas capable de faire ça.

– Mais pourquoi ? Il l’était, la preuve.

– Il n’en paraissait pas capable. Le père que j’ai connu n’aurait pu faire une chose pareille.

– Ah ! Mais il l’a faite ! Alors tu te demandes comment tu as pu te tromper aussi lourdement. Tu passes tes souvenirs en revue, tu cherches des signes annonciateurs. Tu doutes de tout ce dont tu es sûre, même des bons côtés de sa personnalité. Tu te demandes si tout n’était que mensonges. Et, pire que tout, puisqu’il a beaucoup influencé ta propre personnalité, tu te demandes de quoi, toi, tu es capable.”

Rosemary le regardait bouche bée. “Oui.”

Le docteur Miam hocha la tête. “Et c’est en ça que nos espèces se ressemblent. La vérité, Rosemary, c’est que tu es capable de tout. Du meilleur et du pire. Tu l’as toujours été, tu le seras toujours. Si l’occasion se présentait, toi aussi tu pourrais te rendre coupable d’atrocités. Les ténèbres sont en chacun de nous. Tu crois que toutes les soldates qui ont brandi un coupe-organes étaient fondamentalement mauvaises ? Non. Elles faisaient comme leurs camarades, qui faisaient comme leurs camarades, et ainsi de suite. Et je te parie que la plupart des survivantes – pas toutes, mais la plupart – ont passé beaucoup de temps, après la guerre, à essayer de comprendre ce qu’elles avaient fait. À se demander comment elles ont pu tomber si bas. À se demander quand elles se sont mises à tuer avec tant de facilité.”

Les taches de rousseur de Rosemary avaient pâli. Le docteur Miam la vit déglutir.

”Tout ce qu’on peut faire, Rosemary – tous autant que nous sommes -, c’est essayer de bien agir. Ce choix-là, chaque intell doit l’affronter chaque jour de sa vie. L’univers est ce qu’on en fait. C’est à toi de décider quel rôle tu joues. Et ce que je vois en toi, c’est une femme qui sait très bien ce qu’elle veut être.”

Becky Chambers, Les Voyageurs – T1 : L’Espace d’un An

Le mot de la fin

Désolée pour cette chronique de quatre kilomètres, mais j’ai l’impression que tous ces mots étaient nécessaires pour exprimer tous les sentiments que ce roman m’a fait éprouver et toutes les richesses qu’il contient. En attendant, si L’Espace d’un An t’intimide (ce que je comprends totalement) mais que le travail de Becky Chambers t’intrigue, je te conseille d’aller t’intéresser de près à Un Psaume pour les recyclés sauvages, un roman court pour lequel j’ai eu un joli coup de cœur – comme tu pourras le constater dans ma chronique.

Tu avais déjà entendu parler de Becky Chambers et de ses récits de science-fiction uniques en leur genre ?

À bientôt pour un nouvel article !

Amandine Stuart

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