Résumé de Nos pères, nos frères, nos amis
Après sa série « Des hommes violents » pour France Culture en 2019, Mathieu Palain a voulu prolonger et approfondir cette enquête en immersion dans un groupe de parole réunissant des hommes condamnés pour violences faites aux femmes. Il s’est rendu dans une Maison des femmes, à des auditions judiciaires, et a eu accès à des témoignages d’auteurs et de victimes de violences. Son livre explore la violence masculine.
« La petite graine de la violence, elle pousse, elle pousse, et je pense que cette graine est en moi depuis longtemps, elle fait partie de mon bagage, de ce que m’ont transmis mes parents. La violence surgit comme un instinct animal, et vous murmure à l’oreille : “C’est la faute de l’autre.” »
Pendant quatre ans, le journaliste Mathieu Palain s’est rendu dans des groupes de parole, dans une Maison des femmes, à des auditions judiciaires. Il a eu accès à des histoires et des témoignages d’une rare puissance.
Nos pères, nos frères, nos amis est une enquête immersive, un livre essentiel pour comprendre un point aveugle de notre société.
Fiche technique
Titre : Nos pères, nos frères, nos amis – Dans la tête des hommes violents
Auteur : Mathieu Palain
Édition – Collection : Les Arènes – Documents et Essais
Genre : Non-fiction
Nombre de pages : 252
Date de parution : 12.01.2023
Âge : À partir de 16 ans
Prix : 20.00€
Remarque : J’ai découvert ce livre dans sa version audio, lue par l’auteur.
Mon avis sur Nos pères, nos frères, nos amis
En Novembre dernier je découvrais Ne t’arrête pas de courir du même auteur, un récit que j’avais non seulement trouvé très fort – mais qui constituait aussi une véritable performance journalistique et littéraire. Je n’ai donc pas hésité bien longtemps, lorsque j’ai appris l’arrivée en librairie de Nos pères, nos frères, nos amis, avant de l’ajouter à ma wishlist. Et c’est finalement au cours des dernières semaines que j’ai enfin pris le temps de le découvrir !
Dans la tête des hommes violents
Et comme la dernière fois, je ne peux que saluer le travail de Mathieu Palain qui s’attaque à un véritable sujet de société qu’il va suivre sur plusieurs années – un peu par hasard d’abord, puis avec une véritable implication. Nous allons ainsi le suivre dans les groupes de parole imposés aux hommes violents qu’il va essayer de décortiquer, mais aussi lors de sa rencontre avec des victimes, des agresseurs (certains en “rémission”, d’autres multirécidivistes), des spécialistes, des médecins, des sociologues, des acteurs de la justice, etc… Tout cela dans le but de comprendre ce qui fait la violence, pourquoi les hommes deviennent violents et pourquoi cette violence semble si ancrée en eux et dans la société en général.
Nos pères, nos frères, nos amis est donc un livre important, notamment pour son parti pris de se mettre du côté des bourreaux, d’endosser leur point de vue et de faire entendre leur voix. Chose qui me faisait peur au début, ne sachant pas comment Mathieu Palain allait pouvoir faire ça sans se casser la figure dans les grandes largeurs. Mais non. Parce que même si l’on côtoie constamment les agresseurs, leurs réactions sont toujours analysées et désamorcées, de même que la situation de leurs victimes est toujours rappelée et remise sur le devant de la scène à un moment ou à un autre.
L’auteur réussi donc à éviter les pièges et à nous offrir un livre finalement extrêmement humain, où il ne prend jamais la liberté de juger, sans toutefois excuser quoi que ce soit et en se remettant lui-même constamment en question. Et c’est certainement l’une des choses qui m’a le plus marquée dans Nos pères, nos frères, nos amis : l’implication pleine et entière de Mathieu Palain qui se livre, s’ouvre et s’interroge sans retenue dans des réflexions et des confidences que j’ai parfois trouvées très intimes et qui contribuent à rendre se livre toujours plus humain.
Nos pères, nos frères, nos amis : Un livre qui bouscule la société
On s’aperçoit très vite, en débutant la lecture, que Nos pères, nos frères, nos amis est un travail quasiment inédit dans la sphère de l’information (que ce soit littéraire, journalistique, cinématographique, etc). Je ne pense pas avoir déjà vu ou lu jusque-là d’œuvre qui traite des violences conjugales tout en ne se plaçant pas du côté des victimes. Alors qu’il devient très vite clair, lorsqu’on lit ce livre et qu’on réfléchit deux minutes, que l’on ne peut pas régler un problème en ne s’occupant que des conséquences. Il faut s’attaquer à la source. Et ce n’est pas en obligeant ces hommes à faire quatre jours de stage ou de groupe de parole que l’on va y arriver. Il faut y mettre beaucoup plus de moyens.
Surtout lorsque l’on s’aperçoit que la violence n’apparaît jamais comme par magie : Elle est toujours la réponse à un modèle que les agresseurs reproduisent. Comme si la violence, installée dès l’enfance dans le couple parental, s’inscrivait ensuite dans le code génétique et se transmettait de génération en génération. Ce qui a de quoi faire peur, mais donne aussi considérablement matière à réfléchir. Tout comme l’intégralité de ce livre, d’ailleurs.
Un podcast comme première approche avant la lecture
Avant de conclure cette chronique, j’aimerais te faire une nouvelle recommandation à propos de Des hommes violents, un podcast documentaire en 6 épisodes de 30 minutes, que Mathieu Palain a réalisé pour Radio France et qui a été diffusé pour la première fois en 2020. L’auteur y fait très souvent référence dans son livre et explique d’ailleurs que le podcast a été le point de départ de son enquête et de son engagement, et que Nos pères, nos frères, nos amis en est la continuité directe. Je pense donc que, si le livre t’intrigue, le podcast pourrait constituer une première approche intéressante avant de sauter le pas.
En bref
En bref, Nos pères, nos frères, nos amis de Mathieu Palain est un récit fort, inédit et nécessaire qui s’attaque à l’un des problèmes majeurs de notre société tout en prenant le parti pris (pour le moins osé) de s’intéresser au point de vue des auteurs de violences conjugales. L’auteur nous offre un travail exhaustif et consciencieux qui met en évidence les difficultés (voire l’incapacité) de la société à traiter le problème des violences conjugales à sa source, tout en nous brossant des portraits d’hommes et de femmes extrêmement éclectiques qui forment là un récit profondément humain.
Ma note
La citation de Nos pères, nos frères, nos amis
Le truc avec la violence conjugale, c’est qu’on ne se sent pas concerné. Notre fascination pour la mort nous pousse à compter celles qui ne peuvent plus témoigner – 146 femmes assassinées en 2019, 102 en 2020, 113 en 2021 – mais si on s’intéresse aux chiffres, il existe une autre statistique : 220 000 femmes déclarent chaque année subir des violences conjugales. Prenons l’info dans l’autre sens et on se retrouve avec 220 000 mecs violents. Ça fait du monde. Surtout quand on sait que toutes les victimes ne parlent pas et qu’on ne voit jamais l’iceberg en entier. Mais restons sur ce chiffre. Ces 220 000 mecs violents, ce ne sont pas 220 000 monstres, 220 000 bêtes féroces qui sillonnent nos rues à la recherche d’une proie facile. Ce serait si simple. Un loup, ça se traque, ça se tire, ça s’empaille. Non, dans ces 220 000 hommes, il y a votre père, votre oncle, votre frère, votre meilleur ami, votre voisin, votre patron, votre collègue de bureau, le boulanger du coin de la rue, le fromager sympa qui file du comté gratis à vos gamins, l’entraîneur de tennis de votre fils. Pas des monstres. Des mecs normaux. Et c’est bien le problème.
Mathieu Palain, Nos pères, nos frères, nos amis
Le mot de la fin
Nos pères, nos frères, nos amis est une lecture qui s’est parfois révélée éprouvante, et qui m’a parfois (souvent) fait enrager, je ne peux pas dire le contraire. Mais elle me semble aussi être une lecture nécessaire : Pas pour que notre vision change, mais simplement pour qu’elle s’élargisse davantage.
En attendant, si tu souhaites découvrir l’auteur sans toutefois d’attaquer tout de suite à ce sujet sensible, je te conseille vivement d’aller jeter un œil à Ne t’arrête pas de courir, son dernier livre – qui a par ailleurs remporté de nombreux prix littéraires, dont celui de l’Interallié, des Lectrices ELLE et du Roman des Étudiants.
Tu connais Mathieu Palain et ses livres de société ?
À bientôt pour un nouvel article !
Amandine Stuart
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