Résumé de Chroniques du Pays des Mères
Sur une Terre dévastée, le Pays des Mères a pu s’établir grâce au recours des femmes à une insémination artificielle incertaine car les hommes sont devenus rares, un virus déséquilibrant les naissances. La jeune Lisbeï sait qu’elle est promise au titre de “Mère”. Pourtant, son destin se révélera tout autre quand elle apprend sa stérilité. Loin de chez elle, devenue “exploratrice”, elle accomplira l’un de ses rêves les plus chers : découvrir les secrets du lointain passé du Pays des Mères.
Chroniques du Pays des Mères nous propose une réflexion douce, intime et profonde sur ce que pourrait être un monde blessé, entretenu et réparé par les femmes. Son écriture, son style comme ses thématiques entrent tout particulièrement en résonance avec les questions contemporaines.
Fiche technique
Titre : Chroniques du Pays des Mères
Autrice : Élisabeth Vonarburg
Éditeur d’origine : Mnémos
Nombre de pages : 596
Première parution : 1992
Âge : À partir de 16 ans
Formats & Prix : Grand Format : 23.00€ • Poche : 11.00€ • Ebook : 5.99€
Mon avis sur Chroniques du Pays des Mères
Je reviens aujourd’hui sur l’une de mes lectures les plus marquantes de mon mois de Mars : Chroniques du Pays des Mères d’Élisabeth Vonarburg, que j’ai découvert grâce à la LC du bookclub Patreon d’Alex Bouquine en Prada.
Si j’avoue que ce roman m’intimidait beaucoup au premier abord (à cause de sa longueur, de sa densité et d’un possible manque d’accessibilité), il a vite été clair, une fois lancée, que je n’allais pas perdre mon temps avec cette lecture.
Chroniques du Pays des Mères nous présente donc une société (née des millénaires après la notre) régie par les femmes. L’humanité fait face à un gros déficit de naissances de bébés de sexe masculins – alors, pour préserver la race, chaque femme fertile doit donner naissance à un maximum d’enfants suite à une série d’inséminations artificielles. Nous découvrons tout ça à travers les yeux de Lisbeï, notre héroïne, que nous allons suivre tout au long de sa vie – alors qu’elle-même va s’interroger sur le monde dans lequel elle vit et tenter d’en percer les mystères.
La découverte d’une autrice qui a du style
La grande force de ce roman repose sans aucun doute sur le style d’Élisabeth Vonarburg. L’autrice nous offre un récit maîtrisé de bout en bout. Son récit est d’une douceur pernicieuse, là où Lisbeï (avec ses yeux d’enfants d’abord) ne se rend pas compte de la violence et de la dimension malsaine de la société dans laquelle elle vit – avec un fonctionnement qui rappelle celui de La Servante Écarlate dans les couleurs de vêtements comme reflet du rang social de celleux qui les portent.
Mais si le fond regorge d’une richesse infinie, la forme n’est clairement pas en reste, et est tout à fait fascinante pour l’étudiante en lettres que j’ai été. Et tout ça grâce à l’utilisation du féminin générique dans l’écriture – qui est très déstabilisante au début, mais à laquelle je me suis très vite habituée (au point qu’elle a parfois débordé dans ma façon de m’exprimer au quotidien !) et qui montre bien à quel point le français n’est pas une langue neutre. C’est un véritable tour de force stylistique de la part de l’autrice et, rien que pour faire cette expérience, tout le monde devrait se pencher un minimum sur les Chroniques du Pays des Mères.
Chroniques du Pays des Mères et sa modernité effrayante
Comme tu l’auras peut-être compris, ce roman n’est donc pas un livre d’action. Parce que si Lisbeï part bel et bien explorer le monde qui est le sien, cette action est aussi une manière de découvrir de nouveaux éléments qui nourrissent sans cesse ses réflexions. On commence ainsi le récit par toute une partie autour de l’interrogation omniprésente (mais pas étouffante) autour du fonctionnement de la reproduction ou du corps des femmes en général, les relations sororales mais aussi en tant que mère et fille… Et on dérive lentement vers le cœur du sujet, qui met petit à petit en avant l’oppression (même si involontaire) de cette société qui pousse son peuple dans des extrémités et met leur santé en danger en traitant les femmes comme des génisses et les hommes comme des distributeurs automatiques – mais aussi l’évolution de la place des hommes dans le récit, qui résonne avec notre société actuelle dans un effet miroir assez révélateur.
Parce que oui, ce texte publié pour la première fois en 1992 (bon sang, je n’étais même pas née !) est résolument moderne et aurait définitivement pu être écrit hier tellement il résonne avec notre actualité. Au point que c’est assez effrayant quand on y pense.
Une spiritualité envahissante
Maintenant, même si Chroniques du Pays des Mères fut une lecture éminemment riche (franchement, j’ai l’impression d’avoir à peine effleuré la surface de ce qu’elle nous raconte – et on pourrait facilement en faire un sujet de thèse) et qui me marquera pendant encore très longtemps, ce fut tout de même loin d’être un coup de cœur. Et cela à cause de toute la dimension religieuse et spirituelle de cette histoire, qui prend énormément de place.
C’est un aspect très développé et qui part selon moi dans des circonvolutions bien trop alambiquées, au point de me perdre à plusieurs reprises par un manque cruel d’aspects concrets. On retrouve notamment cet amas de questionnements dans la deuxième partie et le milieu de la troisième, cette dernière constituant le grand creux du roman – l’histoire mouline alors pas mal dans la semoule, si bien que j’ai parfois eu du mal à revenir à ma lecture. Cet aspect “mystique” constitue donc pour moi le point faible de Chroniques du Pays des Mères, où l’autrice est pourtant capable de nous offrir plein de surprises et de développements super intéressants. Parce que oui, le récit m’a emmené dans des endroits où je ne l’attendais pas, et de nombreux moments m’ont touchée en plein cœur et ont mis mes émotions à rudes épreuves.
Franchement, j’ai l’impression de t’en parler atrocement mal et de ne pas réussir à retransmettre tout ce qu’est ce roman… Alors je crois que je vais me contenter de dire que j’ai refermé Chroniques du Pays des Mères avec la sensation d’avoir vécu un tournant, et pour tout te dire : je me suis même sentie un peu orpheline après avoir passé 15 jours en sa compagnie. Et ça, c’est assurément le signe que l’on a fait la rencontre d’un grand roman !
En bref
En bref, Chroniques du Pays des Mères d’Élisabeth Vonarburg fut une lecture extrêmement marquante, incroyablement riche et résolument moderne (au point que c’en est assez effrayant). L’autrice fait montre d’une maîtrise folle dans son écriture et nous offre ainsi un texte qui résonne avec notre société actuelle dans un effet miroir assez révélateur. Je regrette simplement la trop grande place qui est donnée à la thématique spirituelle, qui m’a parfois perdue… Mais cela ne retire rien au fait que ce roman est désormais une pierre angulaire de ma vie de lectrice, et qu’il devrait être connu d’un public beaucoup plus large !
Ma note
La citation de Chroniques du Pays des Mères
La petite main de Tula lâche la tunique de la gardienne à laquelle elle était agrippée et les petites jambes de Tula la portent en titubant tout droit à travers la salle vers Lisbeï, et la petite bouche rose s’ouvre dans un sourire mouillé. Lisbeï s’est déjà avancée aussi sans s’en rendre compte et elle serre contre elle le corps chaud – parfumé, lumineux ? Pas vraiment, mais c’est tout cela pourtant, comme avec les autres mosta mais exactement le contraire : être tout près de quelqu’une et sentir sa présence à l’intérieur ou à l’extérieur de son propre corps, difficile de faire la différence, comme une chaleur, ou une lumière, ou une odeur. Mais, avec Tula, être bien, se sentir… à sa place, et que l’autre est à sa place aussi et le sait.
Élisabeth Vonarburg, Chroniques du Pays des Mères
Le mot de la fin
Bon, inutile de dire que j’avais à peine terminé Chroniques du Pays des Mères que je glissais déjà Le Silence de la Cité, le préquel de cette histoire, dans ma wishlist, avec l’idée de l’intégrer ma PAL pour Le Mois de la Fantasy qui arrive et de le découvrir à cette occasion.
Et comme cette première LC du bookclub Patreon d’Alex Bouquine en Prada fut un immense succès, j’ai la ferme intention de poursuivre l’expérience avec le roman au programme de ce mois d’Avril : Le Restaurant de l’Amour Retrouvé de Ito Ogawa (même si j’avoue avoir, là-aussi, quelques appréhensions étant donné que ma première confrontation avec l’autrice -lors de ma lecture de La Papeterie Tsubaki – n’avait pas été des plus concluantes).
En attendant ce nouvel avis, je te souhaite un bon début de semaine ainsi que d’excellentes lectures !
Avant de partir, viens me dire en commentaires si tu avais déjà entendu parler de Chroniques du Pays des Mères et du travail d’Élisabeth Vonarburg, et si cet article a réussi à attiser ta curiosité !
À bientôt pour un nouvel article !
Amandine Stuart
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